L'origine oubliée de tubes pop

Publié le 24 Janvier 2008

La distinction entre les genres dits « traditionnels » et la musique populaire plus récente est on ne peut plus floue. La musique traditionnelle n’est au fond qu’une musique populaire qui s’est ancrée profondément dans la culture au point qu’on la considère comme un élément à part entière de celle-ci et non plus un de ses sous-produits. Nul doute que le rock et la pop « moderne » ne soient un jour catalogués comme musique traditionnelle ! Après tout, la chanson française est qualifiée de world music outre-atlantique… J’avais envie de parler de ces vieux standards folk popularisés 50 voir 100 ans après leur création (par un simple habillage musical au goût du jour) et dont l’originale a souvent été éclipsée. Ceci d’autant plus facilement que sa création peut dater d’avant l’enregistrement sonore !

Mais comme ça serait trop facile et moins rigolo, on va plutôt voir que ce phénomène joue aussi pour des chansons de tradition musicale différente (non pas une relecture moderne de ces chansons traditionnelles -ce qui ne veut rien dire- mais simplement une relecture à la lumière de la tradition musicale occidentale).

Entrons (enfin !) dans le vif du sujet:

J’ai longtemps été surpris de voir que les groupes de péruviens qu’on croise dans le métro reprennent systématiquement Simon et Garfunkel. Mais comme vous devez le savoir, c'est juste que l’originale est une chanson péruvienne, El condor pasa. Il s'agit d'un zarzuela (autrement dit dont on a perdu la trace de l'auteur), qui a été tanscrite par Daniel Alomía Robles en 1913.



L'originale (enfin une version plus ou moins proche)

 

 La reprise: Simon et Garfunkel - El Condor Pasa (If I could)

 

 


Qui n’a jamais trippé sur Le lion est mort ce soir? C’est certes une chanson de colonie de vacances, mais c’est avant tout une chanson accappela zoulou (Afrique du sud), enregistrée en 1939 par Solomon Linda.

 

L'originale:

La chanson a été reprise aux Etats-Unis dès les années 50 par les Weavers puis dans les années 60 eux même repris par The Tokens.
 
The Tokens - The lion sleep tonight

En France, on a eu droit à une version de Henri Salvador (Le lion est mort ce soir) et plus récemment par Pow Wow ()

 


 

La petite mélodie assez insuportable de la lambada a été popularisée en France par Kaoma (1989). C'est une adaptation de la chanson andine (Bolivie) Llorando se Fue du groupe Los K'jarkas qui datait des années 70. Pour être plus précis, Kaoma a copié une reprise brésilienne de Llorando se Fue.


L'originale: 

 
 

Plus: sur les reprises en général, un excellent article d'Isabelle Regner de 2003,  et un article de wikipédia, Cultural appropriation in western music. Toujours sur wikipédia, Mbube, Los Kjarkas

Rédigé par Boeb'is

Publié dans #Transversal, #Pérou, #Afrique du Sud, #Bolivie, #Brésil

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B
au contraire, l'article de wikipédia (comme mon billet) ne dénonce pas du tout cette "appropriation". C'est un enrichissement certains pour la musique. La seule critique (mais qui m'intéresse peu) est au niveau juridique quand les auteurs originaux de tubes ont été littéralement spoilé. Mais au niveau musical, il ne faut que se féliciter. C'est vraiment pour l'aspect ludique que je parle de ces reprises et absolument pas par un quelquonque "tiermondisme musical" qui serait aussi absurde que stupide.
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C
Je n'ai pas lu l'article "Cultural appropriation..." mais je n'aime pas la connotation "vol". de "appropriation". Qu'on écrive ou qu'on compose ou qu'on peigne, on ne part pas ex nihilo, on est nécessairement sous influences, sous inspiration de ce qui s'est fait avant. Certes, je ne sais pas ce que dit l'article en question, s'il attaque simplement aux gommages des origines ou s'il critique cette façon de faire du neuf avec du vieux, de l'Ouest avec du Sud, et s'il s'attarde aussi sur l'effet inverse. Klapyhandz en est une sorte d'exemple, mais sinon je ne pense pas que les musiques traditionnnelles soient forcément étanches aux modernes occidentales (pas les musiques sacrées, certes) comme si il y avait toujours un sens unique, du klezmer au jazz, ou jadis avec le colportage. On ne parle que du matériau sonore, mais pour les matériaux tout courts, je me souviens d'avoir lu une étude sur l'appropriation des trucs venus de la modernité occidentale, mais détournés dans un sens pratique ou artitistique (faire de l'artisannat avec des objets trouvés). L'auteure de l'article parlait d'ingéniosité. L'appropriation, c'est le vol, mais l'échange, c'est la loi.
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